Jürg Kreienbühl Suisse, 1932-2007

Après l'abandon de ses études de biologie puis de beaux-arts dans sa ville natale de Bâle, Jürg Kreienbühl suit une formation de peintre en bâtiment. Grâce à l'obtention d'une bourse, il part en banlieue parisienne où il peint des décharges, des cimetières et des cadavres d'animaux en décomposition.

 

En 1958, il finit par s'installer en plein cœur du bidonville de Bezons dans un vieil autobus sans roues. Là, dans des conditions extrêmement difficiles, il fait le portrait de cette cour des miracles, constituée de ses amis et modèles, les immigrés et les gitans. Familier des terrains vagues et des bidonvilles des alentours, il continue de peindre sur le motif dans son "atelier-roulotte" des marginaux, prostituées, clochards et infirmes pendant une décennie.

A partir des années 70, Jürg Kreienbühl reprend la pratique de la gravure et de la lithographie. Facilitée par la possibilité d'imprimer au sein de son atelier à Cormeilles-en-Parisis, sa production importante et ininterrompue accompagnera, en plus de ses portraits et natures mortes, tous les sujets développés dans les années suivantes : une ancienne manufacture de saints d'églises invendus (1975), la pollution et le paquebot "France" au "quai de l'oubli" au Havre (1978-1979), le cimetière de Neuilly-sur-Seine et le chantier de La Défense (1980), les trésors abandonnés de la galerie de Zoologie - alors fermée - du Jardin des Plantes de Paris (1982-1985), la centrale nucléaire de Gravelines et le port de Dunkerque (1995-1997) et les sujets suisses dans les années 90 (la brasserie Warteck, Hommage à Bâle, le jardin enchanté de l'artiste Bernhard Luginbühl, les paysages de montagnes).

Exprimée à ses débuts dans une veine expressionniste, sa fascination pour la pourriture et la destruction a trouvé sa forme définitive dans un réalisme objectif, documentant un état des lieux sans concession des bouleversements socio-économiques et écologiques de la seconde moitié du 20ème siècle. Avec l'exactitude et l'acuité hallucinante d'un scientifique, Jürg Kreienbühl s'est fait le peintre désillusionné des vieilles croyances, des banlieues et des mondes condamnés, des exclus et des ravages de l'urbanisation et de l'industrialisation.

De son vivant, il a été exposé et collectionné par d'importantes institutions publiques et privées (Kunstmuseum Basel, Aargauer Kunsthaus, FRAC Ile-de-France, UBS AG collection, Migros Museum…). Après sa mort, son œuvre est progressivement redécouverte et réévaluée, comme en atteste son entrée dans les collections du Centre Pompidou et du Musée des Beaux-Arts de Rennes.

 

Il est le père du peintre Stéphane Belzère.