Cette nouvelle exposition de Francine Van Hove, "Dessins & Peintures", s'articule autour de ses études préparatoires et de leur matérialisation en peinture. Depuis les années 1970, elle développe une œuvre intimiste, à l'écart des modes artistiques et toute entière consacrée au corps féminin.
Formée comme les peintres du XIXe nés avant l'invention de la photographie, Van Hove travaille d'après modèle vivant et "à la main", selon un procédé très classique : le dessin d'une première étude sur papier vélin après la transposition gestuelle de l'idée de départ, suivie d'une deuxième avec le même modèle ou un autre, voire d'une troisième si nécessaire, etc. ; puis un ajustement des figures sur des calques pour donner l'illusion de l'espace ; et la mise en scène préparatoire au fusain et à la craie blanche sur une grande feuille de papier kraft à partir de ses calques collés sur les murs de l'atelier - dans le cas d'une scène à plusieurs personnages, toutes les études sont agencées au mur pour la "répétition générale", sorte de séance de pose collective virtuelle avec les "objets-personnages" (thé, café, dessins, livres, lampes….) ; après cette mise au point poussée, un transfert sur la toile avec une reprise au pinceau en présence du modèle. Ces dessins constituent un vaste répertoire formel d'attitudes féminines, délicatement soulignées par une richesse d'effets de lumière, d'ombre et de volume, qui rappelle ses affinités avec les maîtres de la Renaissance.
Sa peinture illusionniste, dénuée de narration, se confond avec le réel et s'en affranchit. La description extrêmement minutieuse des corps et des matières sert une mythologie personnelle, incarnée par ses modèles. Doublures de l'artiste mais aussi des personnages que Van Hove admire dans la statuaire égyptienne, grecque antique et les chefs-d'oeuvre de la peinture, ces jeunes femmes solennisent les petits gestes du quotidien pour conjurer l'angoisse. Elles transfigurent la réalité, volontairement réduite à l'intérieur clos de son atelier ou de son jardin, en un instant harmonieusement figé : une parenthèse de calme sans luxe ni volupté, à peine troublé par quelques natures mortes de fleurs, de menus plaisirs, d'objets sentimentaux ou d'anciennes éditions de romans qui contrebalancent cet équilibre fragile. Dans cet entre-deux en trompe-l'oeil, entre laisser-aller et sophistication, rêverie et demi-conscience, Van Hove donne forme et visage à la beauté allégorique, tout à la fois familière et insaisissable : "Plus j'essaie de cerner ou de capter la beauté, plus son mystère m'échappe. Mais cela ne m'étonne ni ne me désespère plus, car je me suis prise peu à peu de passion pour cette poursuite même. Si vaine puisse-t-elle parfois me paraître, elle est devenue ma vie". Sa fascination émerveillée pour la grâce innée des femmes révèle, selon la formule utilisée par l'écrivain belge Jacques De Decker, "un conservatoire des épiphanies". Cet éloge païen du corps, ce langage chorégraphique des gestes cristallise la quintessence et l'inchangé de la féminité.